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Michelle Tirone, Insoumise

Militante insoumise, ce blog complète mon compte Facebook et ma chaîne Youtube. J'essaie d'y décrypter l'actualité et je vais y inclure des définitions, des pensées, des critiques, enfin tout ce qui a un rapport avec la vie sociale et politique...

Des enseignants interpellent leur rectrice !

Vendredi 2 octobre, la rectrice de l'académie de Bordeaux venait au lycée Magendie.
Des professeurs ont tenu à leur faire connaître leur sentiment par rapport à la situation actuelle : réforme de l'enseignement, salaires, gestion sanitaire...
Je reprend ici, pour la faire connaître, la lettre qu'un des professeurs a lu devant la rectrice lors de sa visite.

Texte explicatif que m'a envoyé une professeure

La rectrice de l’académie de Bordeaux se trouvait dans nos murs vendredi 2 Octobre en compagnie de chercheurs et de représentants de la presse locale, et ce en raison d'un programme lancé par l'INRIA dans les lycées. 


Or, depuis le début de l'année tous les personnels constaté de quelle gestion désastreuse cette crise sanitaire fait l'objet, et tous, nous avons pu échanger sur le peu de cas manifeste que notre hiérarchie fait de nous, de nos conditions de travail et de notre santé. Cette Nième marque du mépris de l'institution à notre égard n'est qu'un camouflet de plus après la réforme du lycée, des retraites, les manœuvres d'intimidation dont plusieurs collègues, - dans les académies de Bordeaux, de Poitiers et d’autres - font l'objet pour avoir défendu une certaine idée de notre métier, etc...
 

Par conséquent, certains d'entre nous avons décidé de saisir l'occasion de cette visite pour signifier à Mme la rectrice, respectueusement mais fermement, notre totale désapprobation de l'action du gouvernement qu'elle représente, et qui consiste selon nous en  une destruction méthodique de nos missions, de nos métiers, et de l'égalité républicaine sur laquelle ils reposent.
 

Un texte a été écrit, diffusé sur le groupe whatsapp, amendé collectivement et lu à la rectrice en présence de la direction.  Nous étions une quinzaine présents et, si un seul d'entre nous a lu ce texte, si un seul l'a écrit, c'était au nom de tous les présents et d'autres collègues encore qui, bien que ne pouvant assister à cette rencontre, ont affirmé leur soutien sans réserve à cette démarche.
 

Voici, dans le détail, comment cette action montée en 48 heures s’est déroulée. Nous nous sommes présentés devant la salle polyvalente où Mme la rectrice était reçue à 10h, nous avons frappé sans obtenir de réponse. Nous avons donc ouvert la porte et sommes entrés dans le fond de la salle. Madame le Proviseur est venue vers nous et nous a demandé de sortir tout en nous assurant qu'elle allait transmettre notre requête à Mme la Rectrice, nous avons obtempéré. On nous a annoncé quelques minutes plus tard qu'une délégation de deux personnes serait reçue, ce que nous avons refusé. Enfin, Mme la rectrice est venue à notre rencontre, nous lui avons lu notre texte, nous lui en avons donné un exemplaire puis nous sommes partis sans attendre de réponse, notre texte, du reste, n'en appelait pas.
 

Nous ne sommes pas spontanément hostiles au dialogue, mais après des mois de mépris et de mensonges éhontés, nous estimons qu'il n'y a aucun intérêt à écouter sagement la sempiternelle litanie d'éléments de langage préfabriqués et creux qu'on nous sert depuis trop longtemps, nous pensons que désormais il convient de faire savoir aux décideurs que nous ne les croyons plus. Nous nous sommes montrés sans complaisance mais à aucun moment nous n'avons manqué de correction - pas d'obséquiosité : de correction. 

Nous pensons qu'il convient de diffuser notre texte sur les réseaux sociaux et par tout autre moyen possible, afin de faire connaître notre action et, peut-être, de permettre à d'autres de la reproduire s'ils l'approuvent.

La lettre des professeurs à la rectrice de l'académie de Bordeaux.

Madame la Rectrice

Nous ne pouvions pas ne pas profiter de votre visite « sur le terrain » (c’est comme ça qu’on dit, là-haut, n’est-ce pas ?) pour vous en parler, de ce terrain, celui-là, le nôtre, celui de nos élèves, ; celui de professeurs, d’agents, d’AESh, de personnels administratifs qui essaient depuis des années de se faire entendre et qu’on méprise, qu’on musèle, qu’on réprime.


Alors cette parole qu’on ne nous donne pas, aujourd’hui, nous la prenons, pour vous rappeler deux ou trois choses et pour vous mettre en garde, en tant que représentante d’une institution qui nous maltraite.

On dit souvent que le ridicule ne tue pas et heureusement ! Car tous les jours ce ridicule nous le vivons et nous en subissons les conséquences :

    • D’abord en appliquant contre notre gré une réforme inique, injuste, qui fait la suite d’une réforme du collège qui a abaissé le niveau des élèves de catégories sociales défavorisées (si, si, lisez les journaux, c’est aujourd’hui dans le Monde ; il est vrai que M. Blanquer semble préférer le Figaro puisqu’il lui réserve l’annonce du calendrier des épreuves du baccalauréat que nous demandions). Une réforme qui vide de sens tout notre travail, qui réduit les horaires à peau de chagrin, qui permet de supprimer des demi-groupes pour, le plus possible, bourrer les élèves dans les classes (entassez-vous à 35, 36) dans un calendrier délirant, les épreuves de Terminales se déroulant en mars… Une réforme qui a disloqué ce qu’est une classe pour lui préférer une individualisation, des parcours de réussite qui ne le sont que pour les favorisés, laissant de côté (sur le bord du chemin, en langage rectoral) les élèves les plus faibles. Une réforme où le professeur se voit de plus en plus réduit à un rôle d’exécutant, d’ouvrier spécialisé de sa matière, sans pensée, sans réflexion.

    • Ensuite en regardant notre feuille de salaire toutes les fins de mois. Le ridicule ne tue pas ; dommage, pensons-nous parfois lorsque notre Ministre met en place un « Observatoire des salaires » il y a deux ans.
Mais c’est vrai au fait… Combien est exactement payé un AESH en Lycée, si, si vous savez, ces gens qui incarnent la priorité au handicap martelée par le gouvernement ? Combien alors ? 1200 euros net / mois pour un temps plein, ce qui n’est presque jamais proposé par les services du Rectorat. Pour une école de l’inclusion, entendons-nous sans cesse dans la communication ministérielle, pendant que les écoles spécialisées ferment les unes après les autres. Et nous traduisons : pour une école de la précarisation, au moindre coût.

    • Nous voyons aussi la gestion du COVID par les services ministériels. Jamais Magritte n’a été plus actuel : « ceci n’est pas un restaurant » devrait-on placarder sur des cantines qui accueillent plus de 800 élèves par jour quand des restaurants peuvent en accueillir 30. Lorsqu’une politique sanitaire se résume à la fourniture de masques qui ressemblent à des slips, (et pas plus de cinq, hein !), quand un professeur n’a jamais vu un médecin du travail depuis sa titularisation, quand ce professeur se voit imposer un jour de carence pour le « responsabiliser » lorsqu‘il est malade, quand ce professeur s’égosille dans son masque dans des salles de 35 m2 avec un élève par mètre carré, nous nous réjouissons qu’en termes sanitaires également, le ridicule ne tue pas.

    • Enfin, et c’est aussi une manière de finir par où nous avons commencé, nous assistons non seulement à une casse en règle du service public, de notre métier, de la possibilité de faire bien notre métier, mais nous sommes aussi criminalisés pour défendre ce qui nous est cher : un enseignement de qualité, des épreuves de baccalauréat qui ont du sens, une retraite qui ne ressemble pas à une obole. Pour la première fois, des collègues sont mis à pied, menacés, pour leur engagement syndical, pour leur lutte contre des réformes scélérates et se retrouvent mis au ban de la communauté enseignante. C’est aux collègues de Melle que nous faisons référence, mais peut-être bientôt à nous-mêmes, car dire la vérité à une Rectrice, n’est-ce pas déjà insulter l’Institution qui nous nourrit ?

C’est pour toutes ces raisons, et parce que nous sommes plein d’humanité, que nous nous réjouissons que le ridicule ne tue pas. En revanche, les réformes telles qu’elles sont menées depuis de nombreuses années tuent, à petit feu, sans faire de bruit souvent, avec fracas parfois comme dans le cas de notre collègue professeur des écoles Christine Renon.

Alors nous n’attendons pas de réponses à cette prise de parole. La réponse, nous la lirons sûrement, dans Le Figaro ; sinon nous la découvrirons sur BFM avec le contenu du programme de Sciences Physiques. Nous vous demandons seulement, solennellement, d’écouter ce que nous avons à dire et de cesser l’entreprise de destruction systématique de nos professions. Sinon vous nous retrouverez, non pas au bord du chemin, mais sur votre chemin, pour défendre ce en quoi nous croyons.

Bonne journée à vous,

Les enseignants du Lycée Magendie.

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