Marius. 97 ans. Le dernier tailleur de pierres du Maupuy...

28 Novembre 2019

Il est des jours ou vous dites merci à la vie de vous offrir une belle rencontre. Vous rentrez chez vous avec un sentiment de bonheur. Je viens de vivre un de ces jours privilégiés...

Marius Patiès (97 ans) à son domicile, à Sardent (23)

Marius est un ami de notre famille depuis très longtemps. Normal, il était tailleur de pierres et italien, comme mon grand-père. Une génération les séparait mais ils ont travaillé ensemble.

Bizarrement, je ne l'avais jamais rencontré ou bien alors quand j'étais très jeune et je ne m'en souviens pas. Ma tante voulait qu'on lui rende visite depuis longtemps et nous avons passé l'après-midi avec lui.

Le père de Marius était, lui aussi, tailleur de pierres. Il était venu en France lors de la construction du tunnel qui relie la France à l'Italie en passant sous le col de Braus. A cause de la guerre de 14-18, les travaux avaient repris en 1921 et c'est cette année-là que le père de Marius était venu s'installer dans les Hautes-Alpes avec sa femme et c'est donc là, en France, qu'est né Marius, en 1922.

Puis la famille est repartie en Italie mais le fascisme a fini par les pousser à fuir l'Italie. Marius nous a dit que sous Mussolini, il était obligé d'aller au catéchisme et que si les hommes voulaient travailler, ils devaient avoir leur carte du parti fasciste. Les tailleurs de pierres étaient généralement des gens de gauche voire des anarchistes comme l'était mon grand-père. Beaucoup sont partis. Le bruit courait que la France, et plus précisément la Creuse, cherchait des tailleurs de pierres, ce métier étant peu pratiqué par les Français.

Voilà comment de nombreux Italiens s'installèrent dans la Creuse... On avait besoin d'eux et pourtant, ils étaient rejetés, souvent diabolisés. En Creuse, on les surnommait les "macaronis". Petite, j'ai entendu cette appellation nous concernant alors que nous étions de la deuxième génération... Même avant la deuxième guerre mondiale, une jeune femme avait du mal à se marier avec un Italien, ses parents n'acceptaient généralement pas...

Pendant l'occupation, les hommes nés en 1922 étaient tous réquisitionnés pour le STO, beaucoup rejoignaient le maquis et entraient dans la Résistance. C'est ce qu'a fait Marius. En deux heures, nous n'avons pas abordé ce sujet. C'est seulement juste avant de partir qu'il m'a donné un livre ("Le Fossé") que l'auteur creusois Robert Laurini lui avait dédicacé... Je ne voulais pas garder le livre, une dédicace c'est sacré mais il a insisté... alors je l'ai pris et je vais le conserver précieusement maintenant.

Le fossé (1972) - Dédicace de Robert Laurini pour Léone et Marius Patiès

Une fois la guerre terminée, Marius qui jouait du banjo, animait les bals avec un ami accordéoniste. Il chantait aussi. Cet après-midi, il nous a chanté quelques phrases de chansons de Tino Rossi, il a encore une belle voix même si elle a dû perdre de sa puissance... C'est ainsi que Marius a rencontré Léone qu'il a épousée en 1947. Il nous a montré son alliance en or, devenue toute fine à cause de l'usure du temps. Marius nous a raconté qu'à cette époque, il n'y avait plus d'or chez les bijoutiers et c'est la mère de la jeune Léone qui a donné un louis d'or pour qu'il soit fondu en deux alliances... Marius a perdu Léone il y a quatre ans.

A un moment, Marius nous a parlé d'un de ses amis décédé à 102 ans. Il en conclut avec humour qu'il lui reste du temps pourtant il constate que tout le monde est parti autour de lui. "Je suis le dernier tailleur de pierres du Maupuy" nous a-t-il dit. La carrière du Maupuy, un des principaux Monts de Guéret, en Creuse a été exploitée jusqu'en 1990.

Les carriers du Maupuy en 1910. Photo A. de Nussac

J'ai promis à Marius de revenir le voir. J'aime beaucoup cet homme. Un homme doux, conciliant qui, à 97 ans, s'occupe de chats errants qui viennent manger devant chez lui et les fait stériliser avec l'aide de l'Ecole du Chat de Guéret. La chatte qu'on voit sur ses genoux a dix ans, Léone et Marius avaient trouvé un sac avec 3 chatons dedans, ils les ont gardés, c'est l'une d'elles.

J'ai promis à Marius de revenir le voir. Pour lui donner le dernier livre de Jean-Luc Mélenchon. Parce que : "lui, il parle pour les pauvres" m'a-t-il dit...

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Vendredi 24 janvier, a eu lieu la première rencontre au sein de la classe des cours moyens : Marius Paties, à près de 90 ans, a passé presque trois heures d'échange et d'écoute mutuelle aupr...

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