24 Décembre 2018
On apprend beaucoup à prendre l'apéro au café... je viens d'entendre des choses révoltantes...
Je ne sais pas si je reviendrai dans ce café. J'y ai déjà entendu beaucoup de choses mais là, je pense que c'est vraiment l'intolérable, l’inacceptable dans le mépris de l'autre, de celui qui n'entre pas dans le moule.
Il s'appelle Stéphane, c'est un poète, un marginal, mais il consomme et paie ses consommations, il partage sa poésie en montrant des photos d'une pierre qui lui a parue parlante, d'un arbre qui lui a paru symbolique de quelque chose.
Je pensais que tout le monde recevait cette poésie.
Je me trompais.
Non, la jeune et jolie serveuse que j'aimais bien mais qui me dégoûte de plus en plus, l'a traité de "guenille"... quel manque d'humanité, je ne trouve même pas le mot qui conviendrait pour décrire ce mépris qu'elle a montré...
Je suis écœurée, que des gens en arrivent à déconsidérer tout ce qui n'est pas dans leur couloir étroit, ça me dépasse...
Cet homme qu'elle traite de "guenille" a réussi à surmonter bien des obstacles dans sa vie, il milite activement pour l'écologie, il élève son fils dans l'idée qu'il devienne un être indépendant, réfléchi, instruit, capable de créer, de construire. Un beau petit garçon très intelligent, très éveillé, en partie grâce à son père.
Stéphane n'entre dans aucun moule, c'est un Diogène. Il n'a aucune once de malice ou de méchanceté.
Lui faire bonne figure devant en prenant l'argent de ses consommations (il aime la bonne bière et en prend une assez chère et ne vient que lorsqu'il a l'argent pour la payer) et l'insulter dès qu'il a passé la porte, c'est ignoble.
Si j'y retourne, ce sera pour demander à cette jeune personne qui se croit peut-être meilleure que les autres, quel adjectif elle utilise pour moi une fois que j'ai passé la porte. J'aime parler avec ces gens différents qui nous apportent plus que ceux qui ne savent que rester là où on les pose, sans réfléchir, sans jamais se rebeller autrement qu'en suivant un troupeau apprivoisé.
Elle est belle, très belle même. Je la croyais intelligente, je lui ai prêté des livres, j'ai cru qu'elle écoutait, qu'elle pensait. Mais, par dépit, par écœurement d'être exploitée par le système, elle est entrée dans cette portion de la population qui pense qu'il faut éliminer ce qu'ils appellent les "cas-sos". Les "cas-sos" incluent tous les "assistés" comme ils disent, les très pauvres, les immigrés...
Je ne lui souhaite pas de tomber un jour dans une situation ou d'autres la traiteront de "cas-sos" mais qu'elle sache que ça peut lui arriver.
Voilà ou on en est, en France, on monte les gens les uns contre les autres. C'est à ça que sert l'extrême droite. Ils étaient quatre ou cinq lepennistes quand a eu lieu cette scène, voilà pourquoi elle s'est lâchée. J'aurais été seule avec elle, elle n'aurait pas osé. Ils étaient quatre ou cinq FN (RN) dont le petit copain de cette jeune fille. J'avais déjà compris que ce n'était pas un humaniste mais là je l'ai entendu vider son fiel contre les "profiteurs" comme il dit...
Pourtant, je l'ai vu se signer quelques minutes avant pour une bricole qui l'inquiétait (un cadeau de Noël en retard). Je dis "pourtant" alors que j'ai pensé "ah d'accord, je vois!"... Je dis pourtant parce que, normalement, quand on se dit chrétien, on a de l'empathie pour l'autre...
Ça aura été mon dernier moment en société avant ce réveillon de Noël que, fort heureusement peut-être, je vais passer seule, autant par choix qu'à cause des circonstances.
Il faut refuser de toutes nos forces de s'associer à cette manipulation sociale qui fait que celui ou celle qui travaille pour des clopinettes se met à jalouser et à détester celui ou celle qui semble plus heureux parce que moins matérialiste et à qui on impute tous les malheurs des Français...
Il est à noter que toute cette belle équipe était enthousiaste à l'idée de mettre un Gilet Jaune dans sa voiture juste avant le 17 novembre. C'est en grande partie à cause d'eux que je m'étais montrée très méfiante envers ce mouvement des Gilets Jaunes. Aujourd'hui, ils évitent le sujet, ils défendent la position des policiers qu'on "agresse sans respect de leur autorité". Dans un sens, c'est la meilleure nouvelle qui soit, ces fachos ne sont plus Gilets Jaunes.
Comble de l'ironie, cette jeune femme, au lieu de se rebeller contre le système, a accepté de travailler demain matin, 25 décembre, sans être payée plus cher. Il y a fort à parier que sa patronne, elle, ne viendra pas et la plupart des clients non plus... Mais cette jeune femme va trouver toutes les bonnes raisons de ne pas avoir dit "merde" à sa patronne. C'est bien plus facile d'insulter un client alors qu'il n'est même plus là pour répliquer...
Jeune fille, si tu lis ça, saches que Stéphane vaut mille fois mieux que toi. Lui au moins, assume qui il est. Toi, tu es en train de devenir personne...